Kyôjin no Hoshi

Kyôjin no Hoshi

DE L’EDITION DE MANGAS DE PATRIMOINE…

La France est le deuxième marché du manga dans le monde après la mère-patrie nippone. Des flots de mangas nous arrivent chaque année en langue française au sein des diverses maisons d’édition, et ce depuis une vingtaine d’années. Dans le lot, à boire et à manger, mais essentiellement des titres à potentiel commercial fort, capables de susciter un engouement suffisant pour rembourser le coût de l’investissement et, dans le meilleur des cas, dégager des bénéfices substantiels pour les éditeurs.


Kyojin no Hoshi

En marge, ces mêmes éditeurs tentent parfois aussi de se faire plaisir et de faire plaisir à une frange plus âgée et/ou plus exigeante de leur lectorat en éditant des œuvres dites de « patrimoine ». Ces œuvres fondatrices du manga moderne, issue d’une période s’étalant des années 50 aux années 70 (des titres généralement signés par Dieu lui-même, alias Osamu Tezuka, ou encore de ses contemporains et suivants Shôtaro Ishinomori, Mitsuteru Yokoyama, Shigeru Mizuki, Sanpei Shiratô, Gôseki Kojima, Kazuo Kamimura, Gô Nagai ou encore Leiji Matsumoto, parmi d’autres), sont essentielles à la compréhension des origines et de l’évolution du médium et des codes narratifs propres à la bande-dessinée nippone. Indépendamment de ces considérations purement académiques, cet âge d’or du manga est constitué d’un nombre impressionnant de chef d’œuvres qui ont conditionné de manière irréversible des générations entières de mangakas. Leur lecture est donc essentielle mais s’avère souvent impossible pour qui ne parle pas la langue de Mishima. En effet, ces œuvres de patrimoine ont un potentiel commercial proche du néant, coûtant le plus souvent plus à l’éditeur à l’achat de la licence que ce qu’ils ne leur rapporteront une fois mis en vente.


Pourquoi les éditer, dans ce cas ? Par plaisir personnel des équipes éditoriales françaises généralement érudites et passionnées, comme évoqué plus haut, mais aussi pour des questions de prestiges (un éditeur étranger parvenant à acheter et éditer correctement une œuvre japonaise culte prend tout de suite une autre dimension et un caractère plus sérieux aux yeux des interlocuteurs nippons). C’est aussi une question de moyens, un éditeur bien installé et avec une bonne trésorerie parvenant plus facilement à prendre le type de risque calculé qu’implique l’édition d’une série au long cours d’Osamu Tezuka par exemple.


Mais les temps ont changé depuis l’apparition massive de ces titres vintage et ils sont, contexte économique oblige, désormais beaucoup plus rares à atterrir chez nous, à l’exception de quelques one-shots ou titres bouclés en 2 ou 3 volumes, généralement choisis en fonction d’un point d’ancrage fort (auteur réputé, œuvre déjà connue en France via un animé par exemple, etc). Si certains éditeurs ont pu, par le passé, s’offrir le luxe d’éditer à perte une série de patrimoine en 11 tomes, ça ne semble plus être le cas aujourd’hui. Faut-il en conclure que le public se désintéresse forcément de ces œuvres au style graphique obligatoirement daté ? Non. Le nombre d’acheteurs n’est tout simplement plus suffisamment élevé pour garantir le retour sur investissement dans le cadre du business model traditionnel, à l’opposé de séries à l’appeal plus large et plus commerciales dans leur ADN narratif.


Pour contourner cette barrière économique, certains éditeurs ont désormais développé de nouvelles approches afin de faire voir le jour à certains titres au potentiel fragile ou limité, impliquant / responsabilisant davantage le public dans leurs projets afin de les aider à limiter les risques et éviter d’y laisser des plumes tout en contentant un certain nombre de lecteurs passionnés et avides de découvertes. La découverte que nous vous proposons ici est le mythique Kyojin no Hoshi, manga culte de baseball – et tellement plus que cela – de Ikki Kajiwara (Ashita no Joe)> et Noboru Kawasaki (Kôya no Shônen Isamu / Willy Boy).